Réglementation Thermique 2012 : le grand bluff
Le 1er Janvier 2013 s’inscrit comme une date historique de régression en matière de droit à la construction sous couvert d’une loi propulsant l’incontournable « tout environnemental  ».
Sans jamais l’afficher comme tel, la RT 2012 fait perdre au maître d’ouvrage et à l’architecte cette relation privilégiée qu’ils avaient de réaliser et de signer eux-mêmes le permis de construire. Même conclusion pour les projets en-dessous de 170m2 dispensés d’architecte : pour déposer un permis le maître d’ouvrage qui pouvait s’en sortir seul doit désormais faire intervenir un bureau d’étude. Ceci étant, il n’y a à proprement parler pas de signature supplémentaire requise car par un élégant tour de passe-passe on fait signer le maître d’ouvrage « comme la personne ayant réalisé l’attestation  » - maître d’ouvrage qui serait bien en peine de rédiger une seule des lignes du bilan thermique sous-tendant son attestation. Par ailleurs le maître d’ouvrage signe dans tous les cas « pour un bâtiment de plus de 1000m2  », cela même pour une extension de 50m2 ! On mise sur des impôts compréhensifs n’allant pas au redressement de surface !
Désormais il faut compter avec le bureau d’étude thermique, une étude obligatoire pour toute construction neuve ou pour toute extension au-delà de 150m2 ou de plus de la moitié de la surface existante. Une étude c’est-à -dire, un coà »t en plus, un délai en plus, des applications et des contrôles d’évaluation en plus (et des assurances en plus ? en cas d’erreur de l’étude, qui est responsable ? Le client qui a signé ?)…Pour les petits permis le coà »t d’étude peut donc pratiquement se voir multiplier par deux et le délai s’allonger de tout autant. Ce n’est d’ailleurs que le début des frais estimés à + 15% d’investissement…
Lorsque vous serez en possession d’un rapport thermique bien fait (soit 15 pages pour une petite extension) vous vous retrouverez en face des termes abscons suivants :
- le coefficient Cep inférieur ou égal au coefficient Cepmax déterminé selon les modalités précisées au titre II de l’arrêté du 26 octobre 2010.
- le coefficient Bbio inférieur au Bbiomax idem ci-avant.
- les zones (ou parties de zones) de catégorie CE1, avec une Tic inférieure à une Ticref.
- des fenêtres décrites avec 20 paramètres…etc
Est-on toujours bien en phase permis de construire ? N’est-on pas déjà sur dossier d’exécution, comment gérer ces nouveaux permis d’exécution ?
J’ai pris deux heures de rendez-vous avec le bureau d’étude thermique pour comprendre son rapport. Alors pour un client non averti qui réalise son premier projet ? Il paiera pour une étude qu’il ne comprendra pas ? Et pour se faire dire dans 90% des cas une conclusion qui tient en trois lignes : Orientez bien votre construction, mettez un isolant de 30cm en plafond, de 15cm sur les murs et de 10cm au sol. Mettez des compteurs d’énergie partout, investissez dans du matériel d’énergie renouvelable.
La loi sur la RT 2005 faisait 150 pages, la RT 2012 fait 1 500 pages et le gouvernement de lancer cet été 2013 une enquête visant à connaître ses possibilités de simplifications administratives.
Et pourtant au cours de ces dernières décennies, sans aucune loi, sans aucune contrainte, le maître d’ouvrage était naturellement passé au double vitrage, au 20cm d’isolant en combles, au 10cm sur les murs.
J’invite officiellement le rédacteur de la RT 2012 ou un de ses représentants à passer une journée dans notre département de la Nièvre pour faire le tour des Agences Territoriales et de quelques Mairies afin qu’il constate l’étendue des contre réactions engendrées pas sa loi.
C’est à se demander si la débauche d’énergie mise dans les calculs, les logiciels, les justificatifs, les formalités, les études n’est pas à la hauteur de la grosseur des dépenses (lobbies) que l’on veut nous faire avaler : au plus on vous justifie par des calculs, au plus vous allez devoir payer, au moins vous aurez à répliquer d’autant plus que la cause est bonne : l’environnemental.
Alors si environnement il y a :
- Pourquoi le coefficient de conversion de l’énergie primaire du bois est-il passé de 0,6 (RT 2005 - BBC) à 1 (RT 2012), c’est-à -dire que l’évolution de la loi fait passer le bois au même rang que le gaz et le fuel ! (Le coefficient de conversion en énergie primaire est censé représenter le rapport entre l’énergie produite sur le lieu de la demande et la totalité de celle nécessaire à sa production) On notera l’énormité de cette évolution desservant le bois vis-à -vis d’énergies fossiles importées.
- Quelle utilité à l’obligation d’achat de tous les compteurs au départ de chaque source d’énergie ? Quel sera le réel amortissement de tout cet appareillage au détail ? Ne prend-on pas le consommateur pour plus bête qu’il ne l’est, incapable de s’informer ou de réduire ses dépenses sans compteur ? On commence d’abord par le faire dépenser pour lui dire que cette dépense sera comblée par ses comportements… N’est-on pas dans la même lignée des inutiles et coà »teux diagnostics de Déperditions de Performances Energétiques (DPE), ou d’autocontrôles d’éthylotests lancés (puis retirés) sous couvert de la Loi par des producteurs d’éthylotests ? Dans le cas de la France : 250 000 logements par an x 500 € de compteurs représentent 125 millions d’euros par an de fourniture et de pose de compteurs uniquement pour le secteur logement.
- Pourquoi y a-t-il obligation d’investissement dans une énergie renouvelable (la RT 2012 veut qu’au moins 5kWhep/m² soient fournis par une ou des énergies renouvelables dans le logement), quand on sait que la solution recours du panneau photovoltaïque est le réflexe mais dont le réel amortissement en énergie globale s’avère parmi les plus mauvais des producteurs d’énergie renouvelable, sans parler du recyclage, sans parler du système de rachat d’énergie par EDF, coà »teux et à la limite de l’immoralité car payé par les concitoyens sur la base de leurs propres factures d’électricité à EDF ! Cette obligation en énergie renouvelable nécessitera de recourir à un double équipement pour une France qui marche essentiellement au fuel, au gaz ou à l’électricité et pour une loi qui ne valorise pas une approche globale selon un contexte existant (quid des secteurs ABF ?).
- Pourquoi accepter comme énergie renouvelable la chaudière à gaz à cogénération produisant de l’électricité qui n’a rien d’énergie renouvelable ?
- Pourquoi la dévalorisation des pompes à chaleur par rapport au panneau photovoltaïque ?
Cette liste d’incohérences est loin d’être exhaustive.
Je poursuis avec l’étanchéité à l’air désormais imposée par la RT 2012 pour le secteur du logement : si l’on annonce le tout-étanche à l’air comme idéal énergétique faut-il l’afficher comme un idéal de santé ?
Aimeriez- vous vivre enfermé dans un sac en plastique avec un trou pour respirer ? Moi non. Le problème c’est que la RT 2012 impose cela pour nos logements, et de surcroît nous demande de l’imposer à nos clients. Et si je ne suis pas d’accord ? Je ne peux moralement pas imposer à mes clients ce que je refuse pour moi, alors quel recours ? Arrêter mon activité ? Me mettre hors la Loi ? Me lancer dans une bataille juridique ? Un vrai dilemme.
Le premier réflexe des constructeurs est d’intégrer une feuille plastique (une membrane étanche à l’air ou un frein vapeur dans le meilleur des cas) pour emballer le logement. Que savons-nous des matières plastiques, de leurs rejets, de leur toxicité ? De nombreuses études montrent actuellement des rejets perturbateurs endocriniens, voire cancérigènes pour de nombreux plastiques.
Vivre dans des maisons emballées sous plastique devrait être mis sous contrôle expérimental au même titre que les expérimentations OGM.
Le second point que soulève le contrôle d’étanchéité à l’air et qui n’est également pas clairement affiché avec la RT 2012 est l’abandon officialisé, contraint par la Loi, de la ventilation naturelle comme mode d’échange avec l’extérieur avec un passage à la mécanisation forcée (assistée) pour respirer. Une date à marquer dans l’évolution ( ?) de notre société. Faut-il mécaniser, quantifier, réguler à ce point cette ressource naturelle encore gratuite, sous couvert d’économie d’énergie ?
Il est réglementairement autorisé de mettre un système de ventilation naturelle en RT 2012, cependant, cela est responsable d’importantes déperditions de chaleur par le renouvellement d’air (contrairement à une ventilation mécanique où le débit est régulé toute l’année). Par conséquent cela apparaît comme un système difficile à mettre en place, voire impossible pour la majorité des projets en RT 2012. (Source BE thermique Internet)
Finie la ventilation naturelle mais finis aussi toute cheminée à foyer ouvert, tout insert à conduit de cheminée. Bref terminé tout appareil de production de chaleur situé dans une des pièces à vivre qui ne serait pas à ventouse. Je dirais même que l’idéal de cette loi serait une ventilation à double flux avec nettoyage obligé des filtres par le client ou par une société avec contrat d’entretien. Dans le cas contraire c’est la place assurée aux microbes de toutes sortes…dans un milieu de type « sac plastique  ».
Pour conclure, je dirais qu’on pousse la construction vers un idéal qui serait des bâtiments à énergie positive. Si cela arrive tant mieux, mais en aucun cas cela ne peut être un objectif. Un bâtiment n’a pas vocation à devenir une mini-centrale individuelle de production énergétique.
D’abord c’est très coà »teux à la société en matière d’équipement car cet absurde « chacun pour soi  » émis par la loi n’impose absolument pas de nécessité d’organisation de chauffage collectif notamment en milieu urbain. A un échelon national la politique de l’Etat se caractérise par son absence dans de grandes filières locales (marées, géothermie, bio masse, bois, éolien, solaire) qui engendreraient des coà »ts globaux d’exploitation nettement inférieur à ceux des investissements individuels au coà »t par coà »t.
Ensuite c’est très réducteur en termes de vision de l’architecture : combien d’habitats qui sont présentés performants en énergie s’avèrent pauvres en architecture. De plus, sauf à augmenter très fortement le coà »t des bâtiments, la RT 2012 conduit notamment à supprimer l’utilisation directe de matières expressives non isolantes ou présentant des ponts thermiques telles que le béton, la pierre, l’acier. Il n’est pas prévu d’étude au cas par cas dans un contexte qui dépasserait l’approche énergétique, alors que l’architecture ce n’est que cela, du cas par cas.
Il y a un réel glissement de la réduction de l’architecture à sa valeur de performance énergétique. Le remaniement fondamental du permis de construire par la RT 2012 entérine ce glissement. L’architecture perd de sa valeur ajoutée, elle passe désormais au rang des données quantifiables.
Enfin, la RT 2012 remet en question un acquis fondamental : la liberté de choix de son habitat. J’estime avoir montré avec cet article que cette liberté est largement entamée et entachée de partialité.
Dans le cas du bâtiment, pourquoi imposer par la Loi ce qui doit conduire à des économies d’énergie ? J’illustrerais par un exemple cette question : si l’on vous proposait une voiture plus performante (moins polluante et consommant moins) à un prix égal ou légèrement supérieur à votre voiture habituelle, mais qui, calcul fait, en quelques temps d’utilisation vous reviendrait nettement moins chère…devrait-on vous contraindre par une loi à acheter cette voiture moins chère ? La réponse est non, bien évidemment !
Un des problèmes est que sous couvert d’économie d’énergies, on pousse sans cesse à améliorer l’enveloppe thermique des bâtiments et les systèmes de production de chaleur, mais corrélativement le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter outrageusement si bien qu’au final les économies d’énergie n’en sont plus. Faire des efforts oui, mais pour le bénéfice de qui ?
Avec la RT 2012 on confie le bon sens à des spécialistes, on dépossède de plus en plus l’homme de savoir-faire séculaires et la loi encadre cette dépossession. Plus la loi encadre, moins l’homme sait, plus c’est l’affaire de spécialistes, mais surtout de revendeurs sous couvert d’une nouvelle religion « l’intouchable-tout-vert  » elle promeut une nouvelle génération de financiers.
Les mêmes qui polluent la planète nous vendent sous contrainte leurs remèdes.
Eric Arsenault, architecte.